Compte-rendu de la deuxième conférence – débat de Madame Jacqueline-Marie Ganter, psychothérapeute, spécialiste de la famille et de l’enfance .
Après avoir rappelé son passé professionnel dans le milieu de la santé d’abord, puis dans celui de la petite enfance, des services éducatifs en milieu scolaire et même carcéral, Madame Ganter entre dans le vif du sujet : « entre laxisme et autoritarisme, il y a l’autorité ». Quel est le juste milieu ? Que signifient ces trois notions ?
Il faut au préalable se persuader que tout enfant a un géniteur et une génitrice qui sont tout à la fois un père, un papa, une mère, une maman…
Le papa et la maman assurent à l’enfant une sécurité affective, le père et la mère mettent en place l’autorité, fixent les limites, posent un cadre. Et l’enfant a besoin des deux pôles : il lui faut des liens et des lois.
Les liens sont basés sur l’amour, la tendresse, la bienveillance ; les lois fixent les limites : sans limites il ne peut y avoir de respect.
Chaque parent est à la fois papa et père, maman et mère, mais plus aisément l’un que l’autre. Il s’agit donc de tenter de jouer préférentiellement le rôle qui nous paraît le plus difficile, et d’éviter de se reposer sur le conjoint ou la conjointe pour lui laisser l’exclusivité d’un des rôles.
Le laxisme : sa définition n’a pas laissé le public indifférent. Sollicité sur le sujet, il a parlé de laisser faire, de paresse, de facilité dans l’instant, d’indulgence exagérée, de lâcheté, d’abdication, d’irresponsabilité …Toutes choses résumées par la conférencière par : « ne pas mettre les limites au bon endroit ». Les limites sont les garde-fous qui sécurisent l’enfant. L’enfant se sent aimé quand il y a des limites. Il sent quand les choses ne sont pas justes, car l’absence de limite engendre la violence. En prison, la plupart des détenus n’ont pas eu de limites dans leur enfance et n’ont donc pas pu s’imaginer qu’il y en avait dans la vie en société. Leurs désirs n’avaient jamais connu de limite. L’enfant reproduit le modèle éducatif qu’il a eu. Le futur adulte trouvera sa place s’il connaît ses propres limites et celles de la société.
Souvent, les enfants disent qu’ils ont besoin de quelque chose, confondant ainsi « désir » et « besoin ». Le besoin est vital, le désir ne l’est pas.
Quand l’enfant n’a pas assez de limites, il se sent en danger, ce qui peut-être une source d’angoisse. Les limites constituent un repère, une protection pour l’enfant. Un enfant qui a eu des limites sensées ne se met pas en danger quand il est adulte.
Les limites que fixent les parents sont en lien avec leurs propres limites : s’ils ne supportent pas les comportements de leurs petits ( cris, pleurs, bouderies …), ils doivent s’attendre à être manipulés.
Quand une limite a un sens, et c’est mieux quand elle en a un, il ne faut pas revenir dessus, c’est une question de crédibilité du parent. Celui-ci a un seuil de tolérance dont il doit donner une information claire à l’enfant ( « ce soir je suis exténué, j’exige la paix »…). Si un parent estime avoir été laxiste à un moment ou un autre, il ne s’agit pas pour lui de culpabiliser, mais de voir comment il peut redresser la situation, se poser la question du pourquoi de son laxisme … Si c’est par peur de ne plus être aimé par l’enfant, il faut savoir que quand celui-ci prétend ne pas aimer quelqu’un, c’est qu’il est contrarié, l’attitude qu’on a eu lui a déplu…
La fonction de fixer des limites est celle de la transmission des valeurs. C’est une anticipation de ce que sera l’enfant plus tard. Une tolérance excessive lui laissera croire qu’il a une position de supériorité dans la société, que tout lui est dû.
L’autorité:a la même racine que le mot « auteur ». Avoir de l’autorité : rendre l’enfant « auteur » de sa vie. Il doit savoir décider, trancher.
C’est la fonction par laquelle on tente de faire comprendre à l’enfant pourquoi on lui demande certaines choses. C’est conduire l’enfant à réfléchir, à tirer bénéfice de ce qu’on lui demande. Il doit comprendre pourquoi il obéit à l’adulte pour qu’un jour il puisse prendre les bonnes décisions.
L’autorité entraîne nécessairement des conflits, c’est inévitable, mais ce n’est pas grave. Il y a trois règles de base à observer :
la congruence : ne pas demander de faire ce qu’on ne fait pas soi-même. Le parent est un modèle, qu’il le veuille ou non, si le modèle n’est pas conforme à l’exigence de la parole, alors se posent des problèmes.
La clarté : la demande doit être claire, courte, simple et sans ambiguïté. Jusqu’à 7 ans, l’enfant n’a pas le sens de l’abstraction, il ne comprend pas les exceptions. Les règles doivent être simples et fixes. Mais elles doivent changer avec l’âge et l’évolution de l’enfant.
La répétition : savoir répéter les choses sur un ton courtois. La répétition est fondamentale. Ne pas se démonter, rester calme et répéter…C’est dans l’ordre normal des choses.
A une question sur l’autorité du « beau-parent » dans le cas des familles recomposées, il a été répondu qu’il faut toujours exiger l’obéissance. C’est aussi un adulte référent.
L’enfant éduqué avec autorité sait clairement ce qui est permis ou non, quels sont les comportements inadmissibles.
Il doit savoir qu’il compte pour le parent qui exerce son autorité, qu’il est important pour pour l’adulte. Il doit comprendre pourquoi il obéit. S’il se soumet sans comprendre, il sera soumis plus tard dans la vie, en bande, c’est lui qu’on enverra faire les mauvais coups …Par ailleurs, dans le cas de reprise du modèle, il peut vouloir soumettre les autres.
L’autoritarisme : c’est un comportement dominateur. Dominer, c’est se placer au-dessus, quitte à faire le tuteur qui étouffe la plante qu’il est censé redresser. Soit l’enfant est soumis, soit il se rebelle, car il pense qu’il n’a pas de valeur. Il se sent pas, ou mal, aimé. Ce comportement donne une sensation de pouvoir aux parents, leur donne l’illusion qu’ils sont de bons parents.
L’enfant soumis a du mal à grandir.
L’enfant rebelle fonctionne contre l’autre, pas pour soi-même… Il faut alors l’écouter, lui donner des responsabilités, reconnaître sa valeur.
En conclusion, l’analyse transactionnelle de nos attitudes de parents montre 3 façons de fonctionner
le mode parent : dominateur, donneur de conseils, exerçant des pressions, faisant preuve d’autoritarisme …
le mode enfant : laxiste, n’anticipant pas, vivant dans l’instant, trop sympa, menant dans le mur …
le mode adulte : qui constate, qui questionne, qui est en dialogue, qui apprend à l’enfant un processus de fonctionnement …
et il s’agit de trouver le meilleur équilibre possible entre ces attitudes.
Toujours est-il qu’il faut cesser à un moment donné, et le plus tôt possible de jouer les pompiers pour ses enfants. Ceux-ci doivent rapidement se heurter à leurs propres limites qui ne sont pas celles des parents. Il faut permettre à l’enfant de vivre les conséquences de ses actes, sauf en cas de danger grave bien sûr. Préserver ses enfants, c’est manquer d’autorité.
Quand les deux membres du couple n’ont pas la même attitude, il faut absolument communiquer et surtout ne jamais disqualifier l’autre devant l’enfant.Confier à l’autre notre besoin, plutôt que de lui faire des reproches …Ne jamais disqualifier l’adulte qui a charge d’éducation, c’est la base nécessaire du respect !
Mieux on écoute, mieux on est écouté. Moins on écoute, moins on est écouté !
Parents, ayez confiance dans votre propre bon sens et donnez du temps de qualité à vos enfants.
La discussion s’est poursuivie autour d’un jus de fruits jusqu’au-delà de 22H.
RM